Marie CURIE (1867 – 1934)
Marie (SKLODOWSKA) CURIE (1867 – 1934)
Lorsque Marie Sklodowska naquit, elle est la cadette d’une fratrie de cinq enfants. A cette époque, la Pologne est en pleine russification. Depuis 1772, ce n’est plus un état, mais une région partagée entre l’Autriche, la Russie et la Prusse. Varsovie était sous domination russe. Un premier soulèvement national en 1830 auquel participa le grand-père paternel de Marie, puis un deuxième en 1863 entraina un durcissement du joug russe autour du peuple polonais, leur interdisant l’utilisation de la langue polonaise, ainsi que l’enseignement de la littérature et de son histoire nationales. L’apprentissage des enfants à l’école se faisait en russe, les enfants devaient parler russe. Certains professeurs organisaient des cours clandestins dans lesquels ils enseignaient l’histoire et la littérature polonaises. Ceux-là risquaient la déportation en Sibérie s’ils se faisaient prendre. Le nationalisme du père de Marie entraîna sa perte, puisqu’il dut quitter sa fonction de directeur d’institut et fut exclu de l’éducation nationale. Les difficultés financières de la famille les poussèrent à ouvrir leur maison à des hôtes qu’ils accueillaient en pension complète. A cette occasion, la sœur de Marie, Zofia contracta le typhus et en mourut.
Marie était une excellente élève, dotée d’une très bonne mémoire et d’une soif de savoir. Mais elle avait un rêve qu’elle partageait avec sa sœur ainée Bronia, celui de rejoindre Paris et l’université de la Sorbonne où l’on acceptait les femmes, contrairement à celle de Varsovie. Marie put rejoindre Paris sept années après sa sœur Bronia. Dans l’intervalle, elle participa activement à l’université volante polonaise, c’est-à-dire clandestine, où chaque jour les cours étaient donnés dans des lieux différents, la plupart des élèves étaient des femmes. Son goût pour les sciences se renforça alors qu’elle se destinait au départ à devenir écrivaine et poète ! Son nationalisme aussi se renforça, et ne la quittera pas. Son oncle, alors directeur du musée de l’industrie et de l’agriculture lui permit de réaliser ses premières expériences … clandestines. Elle prit alors connaissance des travaux du russe Dimitri Mendeleïev.
Elle avait 24 ans quand elle put rejoindre Paris et s’inscrire à l’université de la Sorbonne, en 1891. Elle était l’une des vingt-trois femmes parmi 1825 étudiants inscrits à l’université des sciences. Deux ans plus tard, seulement deux étudiantes furent diplômées, dont Marie.
Grace à une bourse délivrée à certains étudiants polonais, Marie Curie put s’inscrire à un cours de mathématiques supérieures, toujours à la Sorbonne. Elle fût diplômée en 1894, deuxième de promotion, ce qui lui permit d’obtenir une autre bourse pour intégrer le laboratoire d’un de ses professeurs et y étudier le magnétisme. A la faveur d’une rencontre avec un professeur de l’université de Fribourg, le docteur Jozef Kowalski, elle rencontra Pierre Curie au printemps 1894 « J’ai été frappée par l’expression de son regard clair et par la légère apparence d’abandon dans sa haute stature. Sa parole, un peu lente et réfléchie, sa simplicité, son sourire à la fois grave et jeune, inspiraient confiance ». Selon les biographies officielles, ce fut un coup de foudre !
A l’été 1894, diplômes en poche, Marie quitta Paris pour retourner à Varsovie. Et Pierre usa de tous les stratagèmes pour la retrouver.
Pierre Curie étudiait le magnétisme et l’effet de la température sur les propriétés magnétiques de certains éléments chimiques. Il présenta sa thèse, sans doute sous l’impulsion de Marie d’après les auteurs, le 6 mars 1895. Cette thèse révolutionna la connaissance du magnétisme que l’on avait à l’époque. Cette thèse, ainsi que sa connaissance de la symétrie cristalline, et sa découverte de la piézoélectricité (la déformation d’un cristal asymétrique qui engendre l’apparition d’une différence de potentiel a de nombreuses applications) lui permirent d’obtenir une chaire à l’école de physique et de chimie industrielles.
Le mariage civile entre Pierre Curie et Marie Sklodowska fut célébré le 26 juillet 1895 à la mairie de Sceaux. L’argent qu’ils reçurent en cadeau de mariage fut utilisé à l’achat de vélos avec lesquels ils partirent en voyage de noces … en Bretagne.
Alors que Pierre reprit son poste d’enseignant, Marie travailla à la préparation du concours pour obtenir un poste d’enseignante. Elle passa ses examens en 1896 et obtint la première place. Elle put enseigner dans les écoles normales réservées aux filles et reprit ses recherches sur l’aimantation des aciers trempés. Elle termina ses recherches en 1897, accoucha de sa fille Irène le 12 septembre 1897 et publia les résultats de ses recherches en 1898. Eugène Curie, le père de Pierre, accoucheur à la retraite fut un soutien sans faille pour Marie, elle put donc mener de front son travail et l’éducation de son enfant.
Le doctorat que Marie décida de passer allait porter sur un rayonnement qu’avait découvert Henri Becquerel quelques années auparavant : les rayons uraniques.
Les rayons uraniques n’avaient rien de commun avec le phénomène de phosphorescence qu’étudiaient les Becquerel depuis plusieurs générations et avaient un comportement distinct de celui des rayons X. Par quoi étaient produits ces rayonnements uraniques et d’où venait leur énergie qui semblait inépuisable ? C’est ce que Marie Curie décida de découvrir.
Jusqu’alors, personne n’avait réussi à mesurer la charge électrique produite par ces rayons. Les questions que se posa Marie Curie furent « Quelle est la longueur des rayons uraniques ? et Quelles substances émettent ces rayons ? ». Charles Gabriel, directeur de l’école de physique et de chimie industrielles permit à Marie Curie de travailler dans un hangar appartenant à l’école.
Pour mesurer la charge électrique des rayonnements, elle utilisa la balance à quartz piézoélectrique qu’avait inventé Pierre et Jacques Curie quelques années auparavant.
Marie pensait que les rayons uraniques n’étaient pas le seul fait des atomes d’uranium et s’attela à identifier toutes les substances qui émettent ce type de rayonnements. Elle commença avec tous les éléments purs connus, puis tous les alliages.
Rapidement, Pierre Curie abandonna ses recherches sur la symétrie pour travailler avec sa femme sur ce nouveau rayonnement à la recherche de nouveaux composés émetteurs de ce rayonnement. Jusqu’alors, ils avaient travaillé sur la penchblende, minerai naturel qui contient jusqu’à 30 éléments chimiques différents, dont l’uranium et dont le phosphore. Grace à une technique d’extraction développée au début du XIXème siècle par le chimiste allemand Carl R.Fresenius, ils parvinrent à extraire une nouvelle substance dont l’activité radioactive est 400 fois supérieure à celle de l’uranium. De leur travail, Henri Becquerel présenta un rapport à l’académie des sciences le 18 juillet 1898 dont le titre contenait un nouveau terme inventé par Marie Curie pour désigner les rayons uroniques : la radioactivité. La nouvelle substance, 400 fois plus radioactive que l’uranium fut désigné par le terme de Polonium, en hommage au pays d’origine de Marie Curie. Poursuivant leurs investigations, ils isolèrent par la même méthode d’extraction une nouvelle substance qu’ils nommèrent Radium.
Pour poursuivre leur travaux sur le radium, ils durent travailler sur de grandes quantités de penchblende car le radium s’y trouve en quantité infime. Pour son travail, Marie Curie n’était pas payé mais elle toucha une somme de 3800 francs de la part de l’académie des sciences de Paris pour son travail sur le magnétisme des aciers et ses recherches sur la radioactivité. Cela permit d’acheter de grandes quantités de penchblende. Le procédé d’extraction du radium fut rendu public car Marie Curie ne voulut pas en tirer un quelconque profit financier : elle œuvrait pour la Science.
Un chercheur Néo-Zélandais, Ernest Rurherford arriva à l’université de Cambridge en 1897 à la faveur d’une bourse que l’Angleterre accordait à ses sujets les plus brillants. Il s’intéressa à la radioactivité et publia un article en 1899 dans lequel il concluait que le rayonnement uranique se compose d’au moins deux types de radiations : des rayons facilement absorbables, et des rayons bien plus pénétrants. Et c’est Frederick Soddy, collaborateur d’Ernest Rutherford qui le premier émit l’hypothèse de la transmutation, c’est-à-dire de la transformation d’un élément en un autre ! En 1903, ces deux chercheurs rendirent public la loi de décroissance radioactive et le temps de demi-vie devint une grandeur permettant de caractériser un élément radioactif. Utiliser les propriétés radioactives d’un élément actif (ou radioélément) pour l’identifier était un vœux de Marie Curie.
Le 23 juin 1903, Marie Curie présenta sa thèse intitulée « Recherche sur les substances radioactives », elle n’y favorisa aucune théorie pour expliquer la radioactivité, tandis que dans la version de 1904 de sa thèse, « elle y intégra la théorie des désintégrations atomiques d’Ernest Rutherford ».
Ernest Rutherford, n’avait aucun à priori sur la capacité des femmes à être scientifique (la femme de Rutherford était fille de sufragette !). Il était très admiratif du travail de Marie Curie, et d’autant plus lorsqu’il visita son laboratoire, constatant le manque évident de moyen et la précarité du lieu.
La santé de Marie et de Pierre se dégrada rapidement. Marie eut une fausse couche et elle ne put se rendre à Londres pour y recevoir la médaille Davy décernée par la Royal Society de Londres. Pierre y alla seul.
Puis, en novembre 1903, Pierre et Marie apprirent qu’on leur décernait, avec Henri Becquerel, le prix Nobel de physique. Seul, Henri Becquerel se rendit en Suède recevoir ce prix partagé car les Curie ne s’intéressaient pas trop aux mondanités. Officiellement, leur absence fut justifiée par leur santé défaillante.
L’enthousiasme généré par la découverte des rayons X était immense, et les applications ne tardèrent pas, la principale étant la radiologie. Seulement, suite à l’expérience du dentiste allemand Otto Walkhoff, qui laissa au contact de sa peau deux fois 20 minutes un chiffon imbibé d’une solution de radium, et où il observa une inflammation qui dura deux semaines, Pierre Curie s’intéressa à l’impact des rayonnements radioactifs sur la santé. A l’époque, et vu l’enthousiasme général pour la radioactivité, rares étaient les scientifiques qui s’interrogeaient sur ses effets sur la santé. Pierre Curie eut le temps de publier ses résultats avant de … mourir, le 19 avril 1906, renversé par un attelage de chevaux, rue Dauphine à Paris. Après son décès, personne ne repris ses recherches. « Marie était tellement convaincue que le radium n’apportait que de bonnes choses, comme la guérison du cancer, qu’elle n’envisagea à aucun moment la possibilité qu’il pût être à l’origine de maladies graves ». A l’époque, le radium était perçu comme un nouveau remède permettant de soigner tous les maux, des maux de têtes aux rhumatismes ou à la dépression. En France, un pharmacien (qui se prénommait Curie mais n’avait aucun lien de parenté avec Pierre et Marie) fit breveter une crème de soin pour le visage appelé « Tho-radia ». En Égypte, un pharmacien fit breveter plus de cent préparations à base de radium, telles que « Radioskin », « Radiobust » ou « Radiviril » !
A la mort de son mari, Marie Curie s’enferma dans un mutisme. Elle refusa la pension que lui offrait le gouvernement, ainsi que toute cérémonie pompeuse et toute collecte à son attention. Elle accepta uniquement d’occuper la chaire de son mari que la Sorbonne lui proposait.
On la poussa à postuler pour devenir membre de l’académie des sciences, mais sa candidature fut rejetée à deux voix. Dès lors, elle limita considérablement ses liens avec l’académie et cessa d’y publier ses travaux. En 1910, elle quitta le deuil et annonça à ses amis qu’elle entretenait une relation avec son collègue et ami Paul Langevin, professeur à la Sorbonne et à l’École Normale de Sèvres, en plus de travailler avec Marie Curie.
Et c’est au retour du « Congrès Solvay » en 1911 à Bruxelles (conférence scientifique en chimie et en physique, organisé grâce au mécénat d’un industriel belge, Ernest Solvay), et sous l’impulsion de la femme de Paul Langevin, que la presse à scandale diffusa la nouvelle et Marie Curie fut l’objet d’attaques très violentes, on la traita tour à tour, « d’étrangère, de voleuse de mari, de juive, de Dreyfusarde … », l’intégrité physique de Marie et de ses filles était menacée. Elle trouva refuge dans la maison d’Émile Borel, directeur de l’École Normale, et lui-même fut menacé de licenciement par le ministre de l’éducation de l’époque s’il donnait asile à Marie Curie et ses filles, même s’il se ravisa quelque temps après suite à l’intervention d’amis de la scientifique.
Le 08 novembre 1911, Marie Curie reçu un télégramme de Stockholm l’informant que le prix Nobel de chimie lui était attribué. Après discussions, elle alla chercher le prix avec sa fille Irène, le 11 décembre. De retour en France et terriblement déprimée, elle contracta une sévère infection des reins, elle dut être hospitalisée. Elle partit ensuite se réfugier quelque temps en Angleterre chez son amie physicienne, Herta Ayrton.
Les travaux des Curie ayant attirés l’attention de généreux mécènes, comme les milliardaires américains (Rothschild et Carnegie), on décida, en 1909, sous l’impulsion du Docteur Raoux, alors directeur de l’Institut Pasteur, de créer un Institut du Radium. Composé de deux bâtiments, l’un dédié aux études biologiques et au traitement du cancer, l’autre dédié aux aspects chimique et physique de la radioactivité et appelé « pavillon Curie ».
Le 1er août 1914, la France décréta la mobilisation générale, et dans une lettre adressée à Paul Langevin, Marie Curie dit « Je suis déterminée à mettre toutes mes forces au service de mon pays d’adoption, maintenant que je ne peux plus rien pour mon malheureux pays natal ».
Elle aménagea des camionnettes de l’équipement de radiologie nécessaire et se rendit, non sans difficultés sur tous les fronts qui lui furent accessibles : Furnes, Joinville, Poperinghe, Amiens, Reims, Verdun … Le premier voyage eut lieu le 1er novembre 1914, Marie étant accompagnée de sa fille Irène, alors âgée de 17 ans.
Le succès de ces unités mobiles, qui prirent le nom de « petites Curie », était immense et à la fin de la guerre, on comptait une vingtaine de ces unités mobiles et de plus de 200 postes fixes dans les hôpitaux de campagne. « Rien qu’en 1917 et 1918, quelques 1,1 millions de radiographies furent réalisées, qui sauvèrent d’innombrables vies et épargnèrent beaucoup de souffrance ». De sa dévotion, Marie Curie ne reçue aucune reconnaissance de la part de l’état français, car il ne lui avait pas pardonné son histoire avec P. Langevin. Ainsi, « celle qui avait conçu le service de radiologie, qui avait fait don à l’état de ses médailles, y compris des prix Nobel, et qui avait acheté des obligations de guerre avec l’argent de ses récompenses se contenta de la satisfaction du devoir accompli ».
Ailleurs, Marie Curie était mondialement connue, et reconnue. Elle fut très sollicitée et accepta une interview d’une journaliste américaine, Marie Meloney, avec qui elle gardera un contact jusqu’à sa mort. Un premier voyage en 1921 fut organisé aux États Unis d’Amérique dont le seul but était de récupérer 1g de radium dont la journaliste s’était occupée de récolter les fonds pour son achat ! Et c’est le président américain en personne, Warren G. Harding qui lui remis le radium, encapsulé dans une boite de plomb.
En 1929, Marie Curie effectua un deuxième voyage aux États-Unis d’Amérique, toujours organisé par Marie Melonay, et elle fut reçu, avec ses deux filles Irène et Éva par le président Herbert Hoover qui leur proposa de séjourner à la Maison Blanche.
De retour en France, Marie Curie repris son travail au laboratoire avec sa fille Irène qui travaillait désormais avec elle depuis la fin de la guerre, et également, depuis peu, en compagnie de Frédéric Joliot qui avait rejoint Marie comme assistant sur les recommandations de Paul Langevin.
Puis la santé de Marie Curie se dégrada fortement. Elle souffrait d’anémie chronique et elle développa une cataracte précoce qui la rendit presqu’aveugle. Un jour d’avril 1934, Marie Curie se sentit mal, les médecins l’envoyèrent en cure à la montagne et c’est là qu’elle mourut, à Sancellemoz en haute Savoie le 04 juillet 1934.
Dans cette biographie, je ne parle que de Marie Curie, mais sa vie considérable est indiscernable de celle de Pierre Curie, à laquelle il faut associer celles de leurs deux filles, Irène et Eve Curie.
Les cendres de Pierre et Marie Curie furent transférées au panthéon de Paris en 1995.
Pour résumer :
Pierre Curie : Il découvre la piézoélectricité et co-invente avec son frère Jacques la balance à quartz à effet piézoélectrique, il partage le prix Nobel de physique en 1903 avec sa femme Marie Curie et avec Henri Bequerel,
Marie Curie : Découvre la radioactivité naturelle et recherche et étudie les substances radioactives, prix Nobel de physique en 1903, partagé avec son mari Pierre Curie et Henri Becquerel. Elle obtient un deuxième prix Nobel, cette fois de chimie, en 1911.
Irène et Frédéric Joliot-Curie découvrent la radioactivité artificielle et obtiennent le prix Nobel de chimie en 1935.
Eve Curie, fille cadette de Marie Curie et sœur d’Irène déclarait volontiers qu’elle était la ratée de la famille puisqu’elle fut la seule qui ne reçut pas de prix Nobel. Elle épousa Henry Richardson Labouisse qui fut président de l’UNICEF de 1965 à 1979 et qui reçut le prix Nobel de la paix en son nom. Éva Curie mourut à l’âge de 102 ans. Elle mena une brillante carrière de pianiste, écrivaine, journaliste et philanthrope. Elle assista en tant qu’invité d’honneur au transfert des cendres de ses deux parents au Panthéon, et pu rencontrer les présidents français et polonais Jacques Chirac et Lech Walesa.
Sources
- « Marie Curie et la radioactivité : Le secret bien gardé de la matière », Adela Munoz Paez, 2012.
- Marcel FRILLEY, « CURIE LES », Encyclopædia Universalis
- https://musee.curie.fr/decouvrir/la-famille-curie/un-couple-de-pionniers
- biographie de Pierre Curie par Marie Curie ici
- L’épopée du radium ici